Dimanche 5 mai, 6ème dimanche de Pâques Année B

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Commentaires du père Jean-Marc Danty-Lafrance

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Lecture du livre des Actes des Apôtres 10, 25-26.34-35.44-48

Comme Pierre arrivait à Césarée chez Corneille, centurion de l’armée romaine, celui-ci vint à sa rencontre, et, tombant à ses pieds, il se prosterna. Mais Pierre le releva en disant : « Lève-toi. Je ne suis qu’un homme, moi aussi. » Alors Pierre prit la parole et dit : « En vérité, je le comprends, Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. » Pierre parlait encore quand l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que, même sur les nations, le don de l’Esprit Saint avait été répandu. En effet, on les entendait parler en langues et chanter la grandeur de Dieu. Pierre dit alors : « Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? » Et il donna l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ. Alors ils lui demandèrent de rester quelques jours avec eux.

Lecture de la première lettre de saint Jean 4, 7-10

Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui. Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 15, 9-17

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. »

Méditation :

Dans les Actes des Apôtres, au chapitre 10, Pierre dit (verset 34) qu’il vient de comprendre quelque chose ! C’est rassurant pour nous, de voir que saint Pierre a mis du temps à comprendre, nous qui donnons souvent l’impression que nous n’avons pas encore compris. Qu’est-ce qu’il y avait à comprendre ? Que Dieu aime tout le monde, y compris nos ennemis. Que Dieu est capable de se faire des amis avec nos ennemis ! Là ça devient chaud ! Les « juifs d’origine » (les circoncis, en grec, au verset 45) qui accompagnaient Pierre, sont « stupéfaits » (extatiques, en grec) de voir que « Dieu est impartial » et que l’Esprit Saint est descendu sur des soldats romains, leurs ennemis, des goyim (nations). Aujourd’hui encore (et on pourrait dire aujourd’hui toujours) des gens ne comprennent pas que Dieu puisse aimer certains groupes d’individus avec lesquels ils ne veulent rien avoir à faire. Quand le Concile Vatican II a dit que l’Esprit Saint pouvait fort bien parler aux personnes d’une autre religion, une partie des catholiques a quitté l’Eglise pour s’enfermer dans un Traditionalisme : hors de « leur » Eglise pas de salut. Ce chapitre 10 des Actes des Apôtres prend tout son temps pour insister sur ce virage de la mission des premiers chrétiens : annoncer à nos ennemis (l’armée romaine) que Dieu les aime. Pourtant l’amour des ennemis était au centre de l’enseignement de Jésus (Mt 5,44). L’amour des non-aimables, comme le pratique Dieu. Dieu le pratique d’ailleurs avec chacune et chacun de nous, car : qui peut se prétendre aimable devant Dieu ? C’est l’expérience d’être aimé non aimable qui fait comprendre l’amour de Dieu et qui peut nous rendre capables d’aimer ainsi. Dans sa première lettre, Jean a une phrase qui nous interpelle : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour ». Oui, il semble bien que nous ayons du mal à comprendre le vrai amour, l’agapè, l’amour qui commence à aimer à partir de rien, simplement en se donnant. Pour nous, quand on aime, c’est toujours qu’il y a une bonne raison de le faire. Pour comprendre la manière dont Dieu aime, en commençant à partir de rien, il faut en faire l’expérience, dans les deux sens : d’abord l’expérience d’être aimé non aimable, et ensuite l’expérience d’aimer à notre tour des non-aimables. Les premiers chrétiens, comme Pierre, ont fait cette expérience. Pierre qui a trahit Jésus et qui a compris que Jésus l’aimait toujours. Pierre qui avait peur des Romains et qui comprend que Dieu l’invite à aimer les Romains. Etre aimé « comme » Dieu nous aime, nous rend capables d’aimer « comme » Dieu aime. C’est ce « comme » que nous retrouvons dans les dernières paroles de Jésus, juste avant son arrestation, au chapitre 15 de l’évangile de Jean, au verset 12 : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Et tout de suite Jésus explicite ce « comme » : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Cet amour qui se donne à l’autre au lieu de prendre l’autre pour soi, c’est l’agapè (en grec). Ce n’est ni « eros », l’amour de ce qu’on mange, de ce qu’on consomme, ni « philia », l’amour des personnes que nous avons choisies selon nos attentes ; ces deux expressions restent centrées sur nous-mêmes. Les chrétiens se sont emparés de ce troisième mot, « agapè », pour en faire l’expression grecque des paroles de Jésus. Nous retrouvons ce mot 9 fois dans le petit passage de notre deuxième lecture, et 12 fois dans le petit passage de l’évangile de ce jour ! C’est un amour qui se reçoit avant de pouvoir être donné : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés » (1 Jn 4,10) et « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » (Jn 15,9). Etre aimés, c’est exister pour un autre, c’est exister tout court pour un sujet personnel. Etre aimé, c’est être créé dans notre dimension relationnelle. Dans cet amour, nous sommes « nés de Dieu » dit saint Jean dans sa lettre (verset 7). Quand Jésus dit que Dieu nous aime, c’est comme s’il disait que Dieu nous fait exister comme quelqu’un qui compte pour lui, que nous trouvons place dans son cœur. D’où l’expression chère à saint Jean : « demeurez dans mon amour » c’est-à-dire ne sortez pas de cet espace de l’amour gratuit, ne sortez pas de l’agapè, reçu et à redonner. Et c’est un amour qui nous envoie. Il faut entendre le mot « commandement » (entolè, en grec) comme un ordre de mission, un envoi en mission. Jésus est en mission, envoyé par le Père, et Jésus nous envoie en mission d’aimer. Et d’aimer comme lui, c’est-à-dire de ne pas attendre qu’on nous aime, ni qu’on trouve quelqu’un d’aimable, mais d’être de ceux qui commencent à zéro. Il y aura alors une communion d’intention, une communion de projet de vie, entre nous et Jésus. C’est cette communion que Jésus veut décrire en nous appelant ses « amis ». « Le serviteur (doulos, esclave en grec) ne sait pas ce que fait son maître » (verset 15) c’est-à-dire ne connait pas le projet de son maître. Mais ce projet, « je vous l’ai fait connaitre » dit Jésus. C’est que nous nous aimions les uns les autres. Si on marche dans ce sens là, le Père nous donnera toute la force nécessaire. Quand nous voyons la communion du Père et de Jésus et que Jésus veut nous faire participer à cette communion, nous devons décrypter ces expressions et comprendre qu’il s’agit de l’Esprit Saint. Ce que le Père nous donne au nom de Jésus, ce qu’il faut lui demander, c’est l’Esprit Saint, la force d’aimer. Le Père ayant tout donné dans sa création, il ne lui reste que l’Esprit Saint à nous donner. « Si vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus, le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent. » (Luc 11,13). L’Esprit Saint est celui qui fait le lien entre les aimants. Le lien entre le Père et Jésus et le lien entre nous et les personnes vers lesquelles nous sommes envoyés pour les aimer. L’Esprit saint travaille dans le cœur de l’autre, vers lequel nous nous tournons avec amour. L’Esprit Saint aide à se laisser aimer. Il nous a aidés à nous laisser aimer non aimable par Dieu et il aide ceux vers qui nous sommes envoyés à être réveillés à l’amour. C’est le fruit dont parle Jésus : faire entrer d’autres dans la communion du vrai amour. C’est ce qui s’est passé avec le Centurion Romain, quand Pierre a été le visiter : « L’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole » (trois fois dans nos versets). Le fruit est la promesse de nouvelles graines. C’est par ses fruits que la plante va se multiplier. Ne soyons pas comme les semences vendues par MONSANTO dont les fruits sont stériles, dont les graines ne peuvent être replantées, afin d’obliger les agriculteurs à en racheter tous les ans. Recevons pour redonner. Nous avons goûté la joie d’être aimés, donnons cette joie à d’autres. C’est une joie gratuite, non pas un plaisir consommé pour soi, mais la joie de faire la joie de l’autre, comme celle de Jésus qui veut faire notre joie : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » (verset 11).

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