Dimanche 28 avril, 5ème dimanche de Pâques Année B

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Commentaires du père Jean-Marc Danty-Lafrance

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Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 15, 1-8

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage. Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite. Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.

Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples. »

Le début du chapitre 5 du prophète Isaïe est un chant d’amour à la vigne : « Le chant du bien-aimé et de sa vigne ». En Palestine, chaque ferme avait une vigne et c’était la culture chérie, celle qui demande le plus de soins et des soins amoureux. Cette comparaison court tout au long de la Bible : le bien-aimé est Dieu et la vigne est Israël. Et Dieu, l’amant, attend de beaux fruits de sa vigne aimée. Le « je suis la vigne » de Jésus surprend ceux qui l’écoutent. D’une part, il dit combien Jésus s’identifie au peuple d’Israël. D’autre part, il dit combien Jésus se sait aimé par son Père : « mon Père est le vigneron ». Le chant d’amour à la vigne du prophète Isaïe a des couplets douloureux car la vigne ne donne pas toujours de bons fruits. Jésus y fait allusion en disant « je suis la vraie vigne » et en mettant en scène le travail du vigneron, il doit tailler la vigne. En France, comme en Palestine, nous connaissons bien ce travail de la vigne, ne laisser que les sarments qui vont porter du fruit et leur donner de l’espace, enlever tout ce qui va prendre de la place inutilement. Et voilà que Jésus nous interpelle tous avec cette comparaison : « je suis la vigne et vous êtes les sarments ». Nous voilà tous membres de cette vigne avec Jésus, tous aimés par le Père vigneron, tous invités à porter du fruit. Comment sommes-nous enrôlés dans cette vigne ? Jean va le faire comprendre en mettant 8 fois dans la bouche de Jésus l’expression « demeurez en ». Jésus nous dit à tous : « demeurez en moi comme moi en vous ». L’attachement qui est ainsi décrit est bien un attachement d’amour : habiter le cœur de celui qui nous aime et réciproquement. Et l’étreinte de cet amour est vraiment un corps à corps, une union organique, former ensemble avec Jésus un seul corps, comme les sarments sur la vigne. Il ne s’agit pas d’être des objets juxtaposés mais des sujets s’accueillant mutuellement. Si, dans nos replis sur nous-mêmes, nous devenons objets, nous sommes morts, secs, et le Père va nous travailler pour enlever en nous ce qui prend de la place et pour nous rendre accueillants, pour que nous sachions offrir de la place à d’autres. C’est cela « porter du fruit » (5 fois dans notre texte), être un accueilli accueillant, avoir le cœur ouvert à d’autres, que d’autres puissent demeurer en nous, se sentir exister grâce à nous. Le fruit, c’est ce qui est espéré par le Père, ce qui fait sa gloire, c’est l’accueil des autres ! Porter du fruit c’est devenir accueillant. La sève, le sang de cette vigne, c’est l’amour à faire circuler dans les sarments, c’est l’Esprit Saint. Notre mission : offrir à d’autres d’exister en les accueillants et leur offrant une vraie relation, un vrai amour. Si non, ce monde va devenir un tas d’objets où les êtres humains ne seront plus que des objets fonctionnant juxtaposés. En tant que  personnes humaines, nous n’existons pas seulement comme des objets qui prennent de la place. Nous existons comme des sujets qui ne se sentent vivre que quand ils sont accueillis pas un autre. Les objets s’entrechoques et se disputent la place. Un monde d’objets est un monde de violence et de guerres. Les sujets s’accueillent, s’unissent, s’offrent de la place sans en prendre. Dieu lui-même n’est pas un objet de notre univers mais un sujet pur, qui ne prend pas de place mais offre de la place pour nous donner d’exister. Dieu ne prend pas de place dans l’univers, il est celui qui ouvre tout cet espace de l’univers pour nous donner de la place. Dans notre égocentrisme, nous nous demandons où est Dieu, comme si nous étions le centre de tout. Mais la vraie question à se poser est : où sommes-nous ? Nous sommes dans cet espace que Dieu nous ouvre pour nous donner d’exister. Dieu n’est pas dans l’univers, c’est l’univers qui est en Dieu.

Lecture du livre des Actes des Apôtres 9, 26-31

En ces jours-là, arrivé à Jérusalem, Saul cherchait à se joindre aux disciples, mais tous avaient peur de lui, car ils ne croyaient pas que lui aussi était un disciple. Alors Barnabé le prit avec lui et le présenta aux Apôtres ; il leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et comment, à Damas, il s’était exprimé avec assurance au nom de Jésus. Dès lors, Saul allait et venait dans Jérusalem avec eux, s’exprimant avec assurance au nom du Seigneur. Il parlait aux Juifs de langue grecque, et discutait avec eux. Mais ceux-ci
cherchaient à le supprimer. Mis au courant, les frères l’accompagnèrent jusqu’à Césarée et le firent partir pour Tarse. L’Église était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ; elle se construisait et elle marchait dans la crainte du Seigneur ; réconfortée par l’Esprit Saint, elle se multipliait.

Petit rappel des épisodes précédents : le jeune Saul était là quand les «  Israélites grecs » ont lapidé Etienne et il approuvait ce meurtre (Actes 8,1). Alors, un an après, quand Saul revient à Jérusalem, les chrétiens de langue grecque ont peur de cet homme et ne croient pas à sa nouvelle attitude de converti. Ils cherchent à le supprimer ! « Les frères » l’exfiltrent vers le port de Césarée et le mettent dans un bateau en partance pour Tarse, en Asie Mineure, sa ville natale ! Paul n’a pas été accueilli ! Pas de place pour lui dans cette communauté ! Remarquons le contraste entre « tous avaient peur de lui » et : « il s’exprimait avec assurance » (répété 2fois). Ces deux attitudes traversent la première communauté chrétienne : peur et assurance. Quand Luc écrit que l’Eglise était en paix, c’est vite dit, juste un court répit entre deux persécutions. Le dernier verset de notre lecture montre bien la difficulté, pour les premiers chrétiens, de faire évoluer leur idée sur Dieu. Deux mots se succèdent comme une évolution à vivre : « crainte du Seigneur » et « réconfortée par l’Esprit Saint ». L’Eglise, l’assemblée autour du Seigneur, « marche » encore avec deux attitudes opposées : Distance et Proximité. La crainte qui est le respect d’une distance avec Dieu, Dieu est maintenu loin de nous. Le réconfort de l’Esprit Saint qui est une proximité avec Dieu, Dieu est accueilli dans nos vies. C’est tout le passage du Dieu Tout Puissant, au risque d’être lointain, au Dieu Tout Amour et qui se rend tout proche en la personne de Jésus.

Lecture de la première lettre de saint Jean 3, 18-24

Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous apaiserons notre cœur ; car si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. Bien-aimés, si notre cœur ne nous accuse pas, nous avons de l’assurance devant Dieu. Quoi que nous demandions à Dieu, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons ce qui est agréable à ses yeux. Or, voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et voilà comment nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné part à son Esprit.

Nous retrouvons le vocabulaire de Jean : « demeurer en » (deux fois dans notre passage). Pour Jean, cette expression traduit la vérité de l’amour : donner, en soi-même, de la place à celui qu’on aime. Donner à l’être aimé de prendre place dans notre cœur. L’aimé habite le cœur de l’aimant. L’aimé est accueilli, il existe comme un sujet personnel grâce à l’aimant. Si on se laisse aimer par Dieu, on habite le cœur de Dieu, on est accueilli en Lui, on existe pour Lui, « Nous demeurons en Dieu ». Si on fait « ce qui est agréable à » Dieu, c’est-à-dire si on aime les autres, si on leur donne d’exister pour nous, on est guidé par l’Esprit, Dieu habite notre cœur. « Dieu demeure en nous ». Jean le dit comme un seul commandement en deux volets : « Mettre sa foi dans le nom de Jésus », c’est un attachement à la personne de Jésus, c’est l’accueillir dans nos vies. Et « Nous aimer les uns les autres », c’est s’accueillir les uns les autres. C’est faire ce qui est agréable à Dieu, en actes et en vérité. Et, pour stimuler notre capacité à aimer, à accueillir, à offrir de la place, Dieu fait un appel d’air pour débloquer notre cœur, quand notre cœur nous culpabilise et nous replie sur nous-mêmes. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’expression de Jean : « si notre cœur nous culpabilise, Dieu est plus grand que notre cœur ». En nous donnant de l’espace, Dieu nous guérit de nos paralysies d’amour.

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